mercredi 21 juillet 2010

19 (le coeur ou la raison)



Il y a des oeuvres qu'on voudrait tant aimer, comprendre et pouvoir se les approprier. Des chefs d'oeuvre dont on espère un jour qu'ils feront partie de notre histoire personnelle. Mais on a beau les voir, sentir, écouter à maintes et maintes reprises, se renseigner sur eux et, rien à faire, il y a toujours quelque chose qui nous échappe et qui fait que l'oeuvre en question devient opaque.
Je suis dans ce cas pour de nombreuses oeuvres : la musique de Chopin, la peinture de Rubens, et un très grand parfum que je n'ai découvert qu'assez récemment, à savoir le superbe Chanel No 19.


J'ai apprécié ce parfum sur touche lorsque je l'ai senti pour la première fois (avec une petite préférence pour la version eau de parfum) mais ce n'a pas été un claque, un déclic (bon ou mauvais, d'ailleurs) ou un coup de coeur comme avec des parfums tels que Dans Tes Bras, Féminité du Bois ou encore Après l'Ondée. Juste une impression positive, qui peut donner envie d'aller plus loin, d'essayer à nouveau pour être séduite.


Après avoir entendu énormément de bien du No 19, je me suis fait faire un échantillon afin d'apprivoiser ce parfum sur ma peau. Et là, j'ai beau avoir essayer et ré-essayer, rien à faire : le Chanel No 19 et moi sommes tout simplement incompatibles.


Ce n'est pas tant un problème de notes qui ne tiennent pas ou qui virent : c'est l'incapacité qu'a ce parfum à provoquer en moi une émotion, une association ; chose qui se passe d'ailleurs habituellement avec les autres parfums. Mais là, impossible.


Alors oui, c'est une très belle création. Une tête agréable, avec un galbanum justement dosé : pas trop puissant (contrairement à (untitled), héritier direct du No 19 qui je trouve, joue un peu trop dans la surenchère de ce côté là), pas trop âcre, et mêlé à quelques aldéhydes qui annoncent un coeur floral assez poudré : rose, ylang, jasmin sans doute et des notes vertes très légèrement terreuses apportées par la jacinthe (qui, entre parenthèses, est l'une de mes obsessions olfactives) et surtout de l'iris. Et puis un fond légèrement chypré, mousse de chêne en tête, avec également du patchouli, un peu de vanille, du santal et de l'ambre.


Dans l'ensemble, ce No 19 me fait penser à un parfum Guerlain sorti quelques années auparavant, à savoir Chant d'Arômes, dont ma mère possédait un flacon dans lequel j'ai allègrement tapé durant mes années à l'école primaire. Mais alors que je trouve que ce Guerlain, et tous les Guerlains en général sont vraiment expressifs (dans le sens où, tout de suite, une image nous vient à l'esprit dès la première olfaction), le No 19 est tellement abstrait que je trouve qu'il est assez difficile de se l'approprier. Et c'est un trait commun à la plupart des Chanel que j'ai pu sentir (sauf peut-être Coco, qui se rapproche un peu des Guerlain dans la forme et l'esprit). Guerlain repose beaucoup sur des images, des sentiments : il y une très grande capacité d'évocation, tandis que Chanel est inflexible et abstrait. Chanel serait donc très cérébral et reposant sur la raison pure tandis que Guerlain laisserait une plus grande part aux émotions : c'est encore l'éternel duel entre le coeur et la raison (pour ma part, je me suis la plupart du temps rangée du côté de la raison mais je pense que cette fois-ci je vais me ranger dans le camp « Guerlain »)


Je le trouve très beau, mais je suis incapable d'émettre un jugement à son propos : est-ce que j'aime ou pas ? Le fait est que je n'arrive pas à le cerner, à le comprendre, donc je pense que le Chanel no 19 fait définitivement partie des oeuvres (avec Rubens et Chopin) qui m'échapperont à tout jamais.

mardi 13 juillet 2010

(untitled) : avis



J'avais déjà parlé de ce parfum -sans le connaître réellement- dans un article datant de mars où j'exposais mes attentes et mes appréhensions concernant (untitled). Je l'ai néanmoins senti peu après mais j'ai préféré attendre avant de donner mon avis.


Il faut bien l'avouer, ma première impression a été plus que détestable. Je trouvais la fragrance bancale, et pour tout dire pas agréable du tout. Les notes de tête étaient, je trouve, lourdes et écoeurantes. J'avais l'impression que deux tourbillons parfumés, le premier, vert, s'en allant en se rétrécissant avec le temps, et le second aux accents balsamiques qui s'en allait grandissant essayaient tant bien que mal de s'encastrer sans jamais se mêler l'un à l'autre et sans grande cohérence. Deux tourbillons que tout opposaient en fait coexistant dans une sorte de cacophonie olfactive pas des plus agréables. J'ai beau l'avoir essayé et réessayé plusieurs fois, rien à faire, toujours cette même répulsion.


Par contre, il y a peu, j'ai reçu en échantillon par la poste, ce qui m'a laissé tout le loisir de le tester chez moi au calme. Et j'ai pu le redécouvrir. Disons que maintenant, j'ai un avis un peu moins négatif, mais je ne peux m'empêcher de trouver que la publicité du parfum (tordante, par ailleurs) a fait part de mégalomanie assez excessive par rapport au jus qui nous est ici proposé.


Tout d'abord, on a un souffle de galbanum assez puissant, qui, par chance, évite de tomber dans le âcre comme Y de Yves Saint Laurent semble parfois le faire. Ce galbanum est accompagné de lentisque, note qu'on retrouve dans la tête de Habanita. Cette tête me fait énormément penser à l'odeur du buis fraîchement coupé au printemps, un odeur verte assez particulière. Ensuite vient un fleur d'oranger qui vient adoucir la composition en lui donnant un aspect plus doux, cotonneux mais limite médicinal. Comme souvent, une touche d'iris vient marquer la transition entre notes de coeur et notes de fond, cet iris étant, je trouve, assez terreux. Puis après, c'est une sorte de débauche de muscs, de résines -benjoin et encens en tête- et de santal qui vient apporter cette facette blanche, balsamique que l'on trouve dans ce parfum.
Pas des plus désagréables, mais ce n'est pas du « jamais-senti en parfumerie » non plus. Je le vois plutôt comme un version « modernisée » de Chanel No 19 (bien que ce dernier n'ait pas besoin d'être modernisé de quelque façon que ce soit, loin de là). Certes, on peut considérer qu'il y a rupture dans le sens où les parfums verts ne sont pas spécialement répandus côté lancements ces dernières années (exception faite de A Scent) et qu'on a souvent à faire à des jus de fruits assez insipides. Alors, oui, (untitled) sort un peu du lot parmi ces lancements. Mais après, on est pas non plus dans la super innovation non plus puisque la fragrance reprend des thèmes olfactifs déjà très usités : il suffit de sentir, au choix, le No 19 ou Y pour se rendre compte que c'était pour ces fragrances, et pas pour (untitled) que la rupture a eu lieu.


Et puis, en parlant de déjà-senti, je ne suis pas la seule à remarquer qu'il y a une parenté plus qu'ambiguë entre certains parfums Prada et ce Margiela. Et pour cause, puisque c'est le même nez, Daniela Andrieux, qui se cache derrière (untitled) et les parfums Infusion d'Iris et L'Eau Ambrée. Si on pressent une parenté entre Infusion d'Iris et (untitled) à cause des notes « vintage » d'iris, de benjoin et de fleur d'oranger employées par la créatrice, on a carrément l'impression de plagiat olfactif lorsqu'on compare la fragrance Margiela avec L'Eau Ambrée. Sérieusement, les notes de coeur sont exactement pareilles. Je n'avais pas senti L'Eau Ambrée avant disons, il y a une semaine, mais je voyais bien la parenté entre l'Infusion et (untitled). Maintenant que j'ai senti cette eau, la ressemblance saute aux yeux (enfin, au nez). Donc côté originalité, on repassera.


Personnellement, je pense qu'il aurait été beaucoup plus judicieux de créer un parfum tournant autour du patchouli pour une première fragrance Martin Margiela puisqu'il s'agit de la signature olfactive de la maison, et ce bien avant qu'il soit question de créer un parfum à leur nom. (d'ailleurs, en parlant de la maison, je suis vraiment contente pour eux parce qu'après une période de creux suivant le départ du maître, elle semble avoir repris du poil de la bête et livre un collection automne-hiver assez intéressante : pourvu que ça dure !)


Un détail intéressant, c'est que je trouve qu'il y a une note de plâtre frais, très Margielienne justement, dans la composition qui vient donner un côté un peu décalé à l'ensemble. Si je devais retranscrire visuellement le parfum, je dirais : le château de Versailles relooké façon Margiela sous la pluie. C'est-à-dire recouvert intégralement d'un drap en coton blanc, avec simplement un chiffre dans un cercle imprimé dans un coin. Il faudrait imaginer le sol et les murs recouverts d'enduit frais blanc, avec du plâtre plein les escaliers. Et dehors, une pluie viendrait s'abattre sur les graviers, les oranger en fleurs dans leurs bacs et les jardins à la française bordés de buis et chargés d'iris en fleurs.


C'est un peu tout cela que m'évoque (untitled) : malgré leur volonté de faire un parfum neutre, sans évocation olfactive, les codes de la maison finissent par emprisonner la parfum dans son propre univers : au lieu de ne rien évoquer, il finit par évoquer Maison Martin Margiela elle-même.

mardi 6 juillet 2010

sparks

"The olfactory sense is the sense that evokes the most strongly the memory of the past. Well, screw the past. That's why I want to live my life with you."

Ou un groupe encore honteusement oublié par l'histoire, à savoir The Sparks, un duo formé par des frères de LA distillant un pop classieuse sur fond de synthés, et ce avec la même grâce depuis un peu plus de 40 ans (et quelques 21 albums). Des précurseurs de toutes la pop synthétique qui suivit, et je pense en particulier aux Pet Shop Boys. Textes intelligents, drôles, cyniques et tristes, petits riffs aux synthés et la voix haut perchée de Russel Mael.

Avec cette chanson qui aborde, justement, le parfum, on se trouve sur l'avant-dernier album, un peu déroutant je trouve. Bien sur, les Sparks on évolué avec les années, loin des accents glam-rock de This Town Ain't Big Enough For The Both Of Us, euro-disco à la Moroder de Number One Song in Heaven ou dance de When Do I Get To Sing My Way (certainement ma préférée). Les Sparks ont mûri, leur musique aussi, mais ceci reste assez déconcertant. Mais écoutez plutôt.

dimanche 4 juillet 2010

changements

En panne d'inspiration ces derniers temps (désolée !), j'ai décidé de faire subir quelques petites modifications à certains de mes précédents articles dont certains frôlaient la puérilité (c'étaient mes premiers, en même temps). J'ai également essayé d'en enrichir quelques uns, modifier des passages et corriger quelques erreurs. Les changements effectués sont minimes mais je pense continuer sur cette voie et continuer à re-corriger certains articles dans le futur au besoin (sans pour autant les défigurer).

jeudi 1 juillet 2010

été II



Je voudrais m'excuser pour avoir publié cette liste de parfums en deux parties. Je m'explique : je voulais à la base faire un seul article mais j'ai été prise de court par des travaux en pleine rédaction, et j'ai ainsi donc préféré sortir une liste en deux parties plutôt que faire patienter tout le monde indéfiniment à cause de mes histoires de plâtre et de papier peint (et de géraniums -je vous expliquerai un jour si j'en trouve le courage). Donc avec un peu de retard, voici cinq autres parfums pour l'été, leurs inspirations et ce que j'en pense.


Je ne suis jamais allée en Italie, et c'est bien dommage car je suis fascinée par ce pays que je considère comme étant, avec la France et l'Allemagne, le berceau de la civilisation européenne moderne.. Pourtant, il y a des odeurs que je ne peux m'empêcher d'associer à cet endroit, que je m'attends presque à y trouver le jour où je voyagerai dans ce pays. Je pense notamment à l'Infusion d'Iris de Prada. Dès la première olfaction, je m'imagine à la terrasse d'un café, sous des arcades, en train de siroter un Spritz tout en regardant les passants. Infusion d'Iris a l'odeur d'un cuir très fin, d'une chemise blanche propre, d'une cologne à l'iris de qualité mêlés à l'odeur d'un jardin à l'italienne (fleur d'oranger en tête). C'est frais, distingué et délicat, pas tapageur pour un sou et relativement peu porté (bon à savoir). C'est peut-être cela le vrai luxe.


Toujours dans un registre assez méditerranéen, on pourrait également parler de la lavande (bien que la lavande anglaise soit extrêmement réputée elle aussi). Je trouve que cette plante est cependant trop souvent associée à la lessive ou à l'eau de cologne pour mémés : un fraicheur agréable mais un peu cheap. Mais, je trouve surtout que la plupart du temps, lorsqu'on hume l'odeur même de la plante qui s'épanouit au soleil, une sorte de chaleur semble s'en dégager. C'est ce type de lavande « chaude » qu'offre Serge Lutens avec le très distingué Gris Clair. Une lavande, mais assez minérale, comme chauffée au soleil. L'idée d'une lavande orientalisée me plaît. Je trouve en plus qu'ici, l'odeur assez agressive de la plante est légèrement neutralisée par des élément plus miellés, comme des pollens mais également des baumes en note de fond et notamment du benjoin. Je ne sais pas si Gris Clair est à proprement parler un parfum pour l'été, parce que je lui trouve une dimension enveloppante assez propre aux orientaux qui ne dépareillerait pas avec un pull en cachemire. Mais dans un autre sens, cette lavande pervertie apporte un joli twist aux chemises en coton légères (d'ailleurs, je vous conseille d'éviter de toute urgence L'Eau de Fleurs de Lavande de Chloé sorti cette année qui joue trop sur le registre cologne pour mémés mais à un prix absolument indécent).


Une des qualités essentielles recherchées par la plupart dans le choix d'un parfum pour la saison chaude, c'est la fraîcheur. Mais bon, il y a évidemment toujours quelques tarés qui au contraire préfèrent se lover dans des odeurs chaudes, épicées, baumées au risque de flanquer un mal de crâne terrible à leurs voisin de train / terrasse / autre qui n'est pas spécialement branché dans le trip « combattre le mal par le mal » en pleine canicule. Il m'arrive souvent de porter ce genre de fragrances en plein été : je trouve que la chaleur apporte à ces parfums une nouvelle dimension encore plus puissante, comme si cette odeur était renforcée par la chaleur, voir la moiteur ambiante.


Je me souviens avoir pas mal porté Putain des Palaces l'été dernier. Évidemment, on est plutôt ici dans un trip « ambiance moite et suffocante d'un bordel de la Nouvelle-Orléans » (enfin, comme moi j'étais en Allemagne l'été dernier, il me donne plutôt envie de descendre un café-crème en mangeant du Käsekuchen mit Kirschen). Fleuri, poudré, animalisé et un peu vulgaire quand même : un cocktail qu'on peut aisément adopter en cette saison à condition bien entendu de ne pas prendre le titre au pied de la lettre ; mieux vaut rester assez élégant pour porter cette fragrance au risque de passer pour une Putain des Palaces (ou pas des palaces) justement. Mais, bien entendu, c'est un parfum qui a ses adeptes, et il y a aussi ceux qui détestent.


Ensuite, il y a Habanita, qui me fait toujours tripper, quelque soit la saison. Vous allez peut-être penser que je suis complètement obsédée par ce parfum, et bien c'est justement le cas. Réconfortant en hiver, c'est la facette sexy qui est le mieux révélée en été. Comme si une alchimie spéciale faisait que ces notes douces et baumées, aussi réconfortantes qu'une maman, se pervertissaient avec le soleil, muant cette fragrance en un océan de débauche : vanille, héliothrope, vétiver, mousse de chêne, notes tabacées (ce sont les notes que je sens le mieux sur moi, en tous cas). Ce parfum se fait nuage de sensualité pure à cette saison. Un parfum que je trouve tellement complexe et changeant, qu'il doit être découvert et apprécié de la même façon qu'un jardin (comparaison étrange mais vous allez voir …) : en été, automne, hiver, printemps, et sous la pluie, lesquels moment devant être complétés, selon moi, par la nuit. Franchement, il faut ne faut pas hésiter avec ce parfum-là qui est certainement la meilleure affaire de toute l'histoire de la parfumerie.


Et enfin, je terminerais par un parfum, qui, selon moi, risque fort bien de se muer en futur classique de la parfumerie, à savoir le très beau Narciso Rodriguez For Her. Je pensais plus particulièrement à la version eau de toilette qui me touche davantage que la version eau de parfum, cette dernière mettant davantage l'accent sur les notes de fleuries que je trouve moins importantes dans l'eau de toilette, même si, sommes toutes, elles font parties intégrantes de la composition. Il y a cet accord de fleurs d'oranger et de musc qui me fat défaillir à chaque fois. Son intimité a, je trouve, le caractère sacré de petites églises baroques perdues dans la campagne portugaise, aux murs noircis par les cierges, qui eux-mêmes s'agglutinent sur de grands chandeliers de cuivre et vomissent des flots de cire; où l'on souhaite s'abriter à la recherche de la fraicheur offerte par les pierres mais dont l'intérieur est plus brûlant que le soleil. C'est exactement l'image que me donne ce parfum.


C'était donc dix parfums pour l'été. Je pense livrer dans quelques mois la liste de « parfums d'automne ». D'ici là, bonnes aventures estivales parfumées !