Il y a des oeuvres qu'on voudrait tant aimer, comprendre et pouvoir se les approprier. Des chefs d'oeuvre dont on espère un jour qu'ils feront partie de notre histoire personnelle. Mais on a beau les voir, sentir, écouter à maintes et maintes reprises, se renseigner sur eux et, rien à faire, il y a toujours quelque chose qui nous échappe et qui fait que l'oeuvre en question devient opaque.
Je suis dans ce cas pour de nombreuses oeuvres : la musique de Chopin, la peinture de Rubens, et un très grand parfum que je n'ai découvert qu'assez récemment, à savoir le superbe Chanel No 19.
J'ai apprécié ce parfum sur touche lorsque je l'ai senti pour la première fois (avec une petite préférence pour la version eau de parfum) mais ce n'a pas été un claque, un déclic (bon ou mauvais, d'ailleurs) ou un coup de coeur comme avec des parfums tels que Dans Tes Bras, Féminité du Bois ou encore Après l'Ondée. Juste une impression positive, qui peut donner envie d'aller plus loin, d'essayer à nouveau pour être séduite.
Après avoir entendu énormément de bien du No 19, je me suis fait faire un échantillon afin d'apprivoiser ce parfum sur ma peau. Et là, j'ai beau avoir essayer et ré-essayer, rien à faire : le Chanel No 19 et moi sommes tout simplement incompatibles.
Ce n'est pas tant un problème de notes qui ne tiennent pas ou qui virent : c'est l'incapacité qu'a ce parfum à provoquer en moi une émotion, une association ; chose qui se passe d'ailleurs habituellement avec les autres parfums. Mais là, impossible.
Alors oui, c'est une très belle création. Une tête agréable, avec un galbanum justement dosé : pas trop puissant (contrairement à (untitled), héritier direct du No 19 qui je trouve, joue un peu trop dans la surenchère de ce côté là), pas trop âcre, et mêlé à quelques aldéhydes qui annoncent un coeur floral assez poudré : rose, ylang, jasmin sans doute et des notes vertes très légèrement terreuses apportées par la jacinthe (qui, entre parenthèses, est l'une de mes obsessions olfactives) et surtout de l'iris. Et puis un fond légèrement chypré, mousse de chêne en tête, avec également du patchouli, un peu de vanille, du santal et de l'ambre.
Dans l'ensemble, ce No 19 me fait penser à un parfum Guerlain sorti quelques années auparavant, à savoir Chant d'Arômes, dont ma mère possédait un flacon dans lequel j'ai allègrement tapé durant mes années à l'école primaire. Mais alors que je trouve que ce Guerlain, et tous les Guerlains en général sont vraiment expressifs (dans le sens où, tout de suite, une image nous vient à l'esprit dès la première olfaction), le No 19 est tellement abstrait que je trouve qu'il est assez difficile de se l'approprier. Et c'est un trait commun à la plupart des Chanel que j'ai pu sentir (sauf peut-être Coco, qui se rapproche un peu des Guerlain dans la forme et l'esprit). Guerlain repose beaucoup sur des images, des sentiments : il y une très grande capacité d'évocation, tandis que Chanel est inflexible et abstrait. Chanel serait donc très cérébral et reposant sur la raison pure tandis que Guerlain laisserait une plus grande part aux émotions : c'est encore l'éternel duel entre le coeur et la raison (pour ma part, je me suis la plupart du temps rangée du côté de la raison mais je pense que cette fois-ci je vais me ranger dans le camp « Guerlain »)
Je le trouve très beau, mais je suis incapable d'émettre un jugement à son propos : est-ce que j'aime ou pas ? Le fait est que je n'arrive pas à le cerner, à le comprendre, donc je pense que le Chanel no 19 fait définitivement partie des oeuvres (avec Rubens et Chopin) qui m'échapperont à tout jamais.