lundi 31 mai 2010

Boudoir




Tout a déjà été dit, redit et rabâché sur Vivienne Westwood. Son insolence, sa fascination pour le costume du XVIIIe siècle, sa maîtrise des volumes et sa théorisation du look punk. En somme, une mode pas toujours facile à aborder lorsqu'on se penche sur ses créations haute couture mais tellement désirable par certains côtés.
J'ai une certaine tendresse pour Vivienne Westwood puisque c'est un peu grâce à elle que j'ai découvers l'univers merveilleux de la mode. J'ai eu ma phase d'ado de 13 ans qui se prend pour une rebelle parce qu'elle écoute les Clash et les Sex Pistols. Et bon, qui dit Sex Pistols dit Malcolm McLaren, dit Vivienne Westwood. Et c'est donc comme cela (et comme beaucoup de monde, ceci dit en passant) que j'ai découvers son travail. En grandissant, je me suis ensuite forcément plus penchée vers ses essais corsetés et crinolinés de robes haute couture que vers ses t-shirts représentant sa Majesté Élisabeth II avec une épingle de nourrice dans le nez. Personnellement, je reconnais que la créatrice a véritablement donné ce qu'elle avait de mieux vers la fin des années 1980 jusque le début des années 2000 (la collection Mini-Crini, formidable) mais qu'à l'heure actuelle, son travail ne présente plus qu'un intérêt très relatif.


Boudoir est donc le premier parfum de la créatrice anglaise. Et il faut reconnaître que ce parfum est en parfaite adéquation avec son univers. Baroque, complexe, divinement anglais mais avec également une facette fun héritée de cet héritage punk qui ne se prend pas au sérieux.
Pour une maison de couture, lancer un parfum est toujours une affaire délicate, puisque le jus doit correspondre à l'esprit de la maison. Il est indéniable que l'adéquation entre des parfums comme le No 5 (ainsi que la plupart des compositions qui ont suivi) et la maison Chanel sont en adéquation parfaite avec l'image que cette maisons renvoie d'elle : chic intemporel à la française et surtout pas de faute de goût (bon, malheureusement, Coco Mademoiselle et Chance Eau Tendre sont venus casser cet équilibre).

Pour Vivienne Westwood, il fallait donc un parfum complexe. Et si j'emploie ce mot, c'est justement parce que c'est le cas pour Boudoir. Tout d'abord, une tête hespéridée légèrement sucrée par la présence du pamplemousse rose et peut-être de quelques aldéhydes. Ensuite, un coeur qui révèle un bouquet floral extrêmement dense et complexe, composé autour d'une note de fleur de tabac (qui me fait légèrement penser au freesia et aau jasmin). En vrac, on sent de la fleur d'oranger (qui apporte une note sucrée), de la jacinthe, de l'ylang-ylang, de la violette, de la rose et du jasmin. Une note verte très furtive est due certainement à la présence de chèvrefeuille. Je suppose également une note de muguet et peut être de framboise. Enfin, on pourra remarquer la présence d'une note qui ressemble beaucoup à celle de la banane. L'ensemble de cette note de coeur très dense a un côté sucré légèrement bubble-gum. Le fond est assez généreux lui aussi puisqu'il tourne autour d'un accord très ambré et de notes de civette, de cannelle, de vanille, de patchouli, et peut-être de cuir.
En définitive, je qualifierait Boudoir de bouquet floral ambré et poudré.

Pour un parfum sorti il y a à peine 15 ans, cette fragrance peut donc sembler assez surprenante, surtout lorsqu'on pense au succès de ses contemporains comme cKone ou Acqua di Gio par exemple. La composition ressemble plus à celle d'un parfum des années 50 que celle d'un parfum de son époque composé à l'époque où le minimalisme était de mise. Et lorsque je le sens, j'ai vraiment l'impression d'une certaine parenté avec Fracas.

Boudoir est déjà un parfum culte dans le sens où j'ai l'impression que de très nombreux parfums s'en sont inspiré. Je pense notamment à de très nombreuses fragrances de chez Etat Libre d'Orange comme Putain des Palaces, qui a mon avis tient autant de Boudoir et de Habanita. Dans une moindre mesure, je constate également des liens de parenté avec leur Divin Enfant et leur Encens et Bubblegum.

Mais, je dois avouer que, personnellement, je n'arrive pas à accrocher. Déjà, il fait partie de la très grande majorité des parfums qui tournent au contact de ma peau. Et puis, après ce côté opulent sucré avec cette petite facette de bubble gum, je ne peux vraiment pas. Disons que globalement, ce parfum m'a déçue. Lorsqu'on y prête attention, on peut découvrir la complexité de la fragrance mais prise dans l'ensemble, sentie vite fait, Boudoir peut sembler moyen. Mais bon, après je pense que ce parfum fait partie des parfums qu'il faut apprivoiser pour pouvoir l'apprécier. Peut-être qu'avec du recul mon avis sera différent.

Il faut également remarquer que ce parfum est difficilement disponible en France mais que par contre il a beaucoup de succès auprès des britanniques. Culturellement plus proche de leurs goûts je pense.

Pour résumer, je vais dire que je n'arrive pas à cerner ce parfum (et je dois avouer que c'est assez énervant) et à me prononcer pour déterminer s'il s'agit d'un chef d'oeuvre ou d'un gros n'importe quoi.

dimanche 23 mai 2010

bang

Marc Jacobs sort un nouveau parfum. Bien sûr, tout va être dit et redit à ce sujet. Pour une marque qui est passé en quelques années du statut de parfumerie niche à celui de produits mainstream, je ne m'attends pas forcément à quelque chose de faramineux. Je verrais bien au moment voulu . Par contre le flacon me plaît beaucoup et, je ne sais pas pourquoi, il me fait penser à celui de Vol de Nuit de Guerlain.



J'adore les pubs Marc Jacobs réalisées par Juergen Teller : je trouve que le traitement de l'image, un peu viellie, ne manque pas de charme. Elles ont aussi un côté un peu intimiste de photos souvenir d'amateurs bien qu'elles soient extrêmement travaillées.
Bon, ici, on a droit à Marc Jacobs nu, ce qui ne fait que confirmer le fait que le designer, après les photos réalisées par Terry Richardson pour le Harpers Bazaar en 2008, adore toujours autant poser à poil.



(photos du shooting pour le Harpers Bazaar en question)


Je sais, ce post est totalement dénué d'intérêt, c'est juste que j'ai toujours bien aimé les campagnes de pub Marc Jacobs, et je trouvais le parallèle avec le shooting Harpers Bazaar assez flagrant.

Après, je vois cette campagne comme une version plus souriante et beaucoup moins vulgaire que celle de Tom Ford for Men. Personnellement, j'aime vraiment ce que fait Tom Ford côté design mais ses campagnes du pub, réalisées justement par Terry Richardson (encore lui !), sont excécrables. Je ne vois vraiment pas l'intérêt de cette mode du porn (pas) chic. Sans oublier l'image dégradante de la femme et de l'homme. La nudité, même si elle est sensée faire vendre un parfum, ne me gène pas en elle-même, mais là, c'est trop. On dirait un sale gosse qui s'amuse à dire des gros mots pour voir si un adulte va venir lui laver la bouche avec du savon. Pure provocation pas constructive du tout.

vendredi 14 mai 2010

Serge Noire




Serge Noire est un parfum sorti fin 2008 par Serge Lutens. Ce parfum, ainsi qu'El Attarine, mettrait fin la la période de creux artistique qu'aurait traversée Serge Lutens les 3-4 années précédentes (je ne peut pas me permettre de juger par moi même, étant donné que je n'ai pour l'instant pas suffisamment de recul sur son travail).


Avec Serge Noire, on retrouve la patte du maître qui l'a rendu célèbre, à savoir une composition ambrée-boisée (ses matières de prédilection), légèrement fumée. Dans la description du parfum donnée par le site de la marque, un seul mot : cendré. De quoi maintenir le mystère. Et d'ailleurs, à ce titre, Serge Noire est un parfum mystérieux.

D'abord, le titre : à la fois une référence au prénom du maître et à la toile des tabliers d'écoliers d'autrefois. Et puis cet adjectif : noir. On sait que Serge Lutens sait habilement jouer de synesthésies pour les noms de ses parfums en leur attribuant des couleurs (comme autrefois Rimbaud avec les voyelles - mais il s'agit là d'une autre histoire, et d'un autre domaine). On a donc eu des Chypre Rouge, Santal Blanc, et autres Gris Clair. Mais ici noir, une couleur ayant une signification très particulière dans la culture occidentale : le noir des soutanes, des costumes masculins, des vêtements de deuil, de l'habit des puritains religieux du XVIe siècle. On entre ici dans un univers masculin, sacré, voire un peu morbide. Et c'est exactement ce que retranscrit ce parfum (qui fait d'ailleurs partie de la "collection noire" de l'artiste).




(Au XVI e siècle, pendant les guerres de religions, le costume -masculin et féminin- a subi d'importantes modifications pour finalement arriver à un idéal de sobriété - excepté les fraises en dentelle peut-être. Cela tenait essentiellement au fait que catholiques comme protestants essayer de prouver aux yeux de tous de leur dévotion - et ce serait donc à celui qui sera le plus pieux que Dieu accordera la rédemption. Leur vêtement, noir, était un moyen comme un autre de prouver leur piété. Ci dessus, le portrait de Catherine de Médicis)



Un parfum noir, mais qui est travaillé en clair obscur. La tête se compose de "notes éthérées", très versatile qui, d'emblée, donnent un aspect étrange à la composition. On sent ensuite très distinctement des résines -encens et benjoin- finement travaillées qui lui confèrent le côté mystique. Cet ensemble est réchauffé par des épices, notamment de la cannelle et peut-être du clou de girofle. Le fond est boisé, avec un très beau patchouli sur lequel repose toute la structure, et aussi des notes ambrées un peu chaudes. On a donc affaire à une composition magnifique, subtilement équilibrée entre le côté poivré-fumé du patchouli et des résines, et de l'autre, la facette chaude et camphré des épices, le tout se confondant dans des volutes de cette "note éthérée" que l'on perçoit au début.


Techniquement, je dirais plutôt que Serge Noire a la puissance d'un clair obscur. Sombre, mais laissant apparaître des notes plus claires et plus chaudes. Il a un côté un peu mélancolique que j'apprécie beaucoup. Lorsque je le sens, j'imagine tout de suite une atmosphère un peu gothique, un peu romantique : un exemple parfait de ce qu'aurait été le travail de Caspar David Friedrich si celui-ci avait été parfumeur. Un parfum de pure imagination qui n'emprunterait à la nature que certains de ses traits afin de nous la rendre reconnaissable malgré tout (je suis assez loquace sur ce sujet, la peinture de paysages -rêvés, fantasmés- est un sujet qui me passionne).


Caspar David Friedrich, The Cross in the Mountains, 1812


J'ai parlé du côté masculin de ce parfum. Malgré tout, à mes yeux, celui-ci reste un pur parfum mixte. Il ne fait que dégager une atmosphère de masculinité, à cause de sa sobriété et de la référence à la toile noire (pour ma part, j'imagine tout de suite les toges des étudiants britanniques du début du siècle à Cambridge). Une femme peut tout à fait le porter. Un parfum de brune, même.


Un parfum raffiné, donc à essayer de toute urgence pour les amateurs d'art, de costumes bien taillés ou tout simplement si vous vous sentez d'humeur un peu mystique.