samedi 27 novembre 2010

End of The Season II




Comme promis, voici la suite de la liste de ma sélection de parfums pour l'automne (je devais initialement la publier dimanche. L'on admettra alors que j'ai une conception très extensive du terme « lendemain »).


Musique : The Kinks - Autumn Almanac







Alphons Maria Mucha, Fruit


Vétiver Tonka, de Hermès, s'annonce comme une très belle option pour la saison. J'apprécie beaucoup ce vétiver au final assez pur, débarrassé de son côté âpre, aux relents presque tabacés que développe la plante, et qui, j'en conviens, peut facilement dérouter. Et comme toujours avec Ellena, cette simplicité et cette clarté dans l'exécution. Ici, l'intérêt du parfum repose essentiellement sur ce fond légèrement gourmand de fève tonka et de douces notes un peu pralinées, suffisamment transparentes pour ne pas tomber dans l'excès de gras et de sucres. Vétiver Oriental proposait déjà une belle variation sur cet accord vétiver mêlé à des notes orientalisantes (plus chocolatées chez Lutens tout de même), plus sombre et intense, peut-être plus raffinée mais au final je reconnais lui préférer l'écriture de Jean-Claude Ellena.



Ensuite, parmi les odeurs VRAIMENT automnales me vient à l'esprit un trio de fragrances très différentes, qui se complètent habilement pour retranscrire d'une façon très délicate ce que sent réellement l'automne (et non pas, comme précédemment, quelle odeur conviendrait à la saison)


Terre de Bois, de Miller Harris, est pour moi l'odeur idéale pour la saison. Un boisé très délicat et aromatique, introduit par un verveine très verte, introduisant un fond boisé humide de patchouli et de vétiver, exempts de leurs notes parfois trop âcres si particulières. Terre de Bois, ou l'odeur d'une promenade dans la campagne encore humide de rosée, à la lisière d'un bois, chaudement enveloppé dans un pull en grosses mailles irlandaises


Ensuite, je recommande fortement Filles en Aiguilles. Mais cette fois-ci, il s'agit plutôt d'une odeur automnale d'un intérieur de maison. L'odeur d'un foyer en automne. Filles en Aiguilles offre une lutensinade très particulière ici puisque les notes d'encens sont très développées, brûlées, m'évoquant instantanément non pas une odeur d'église mais plutôt celle d'un feu dans un poêle en fonte. Les notes de pin, inhabituellement employées d'une façon extrêmement chaleureuses m'évoquent à la fois l'odeur adorée du feu de bois mais également celle qui se dégage lorsqu'on brûle du charbon. Et les fruits confits sont ici clairement identifiés comme de la pâte de coings en train de cuire. Filles en Aiguilles, c'est l'odeur de notre cuisine en automne.


Like This, troisième parfums retranscrivant « l'odeur » de l'automne joue sur les deux registres, entre promenade à la campagne et odeurs de maisons. Je doute qu'il soit encore nécessaire de le présenter après toutes les critiques élogieuses qui en ont été faites à sa sortie en mars. Tilda Swinton, pour son parfum, a voulu retranscrire l'odeur de son foyer. Il en résulte un combinaison plus qu'astucieuse de notes boisées sèches de vétiver qui, mariées à l'immortelle, m'évoquent le foin; de notes musquées, et surtout un trio de notes « oranges » pour Tilda à la chevelure flamboyante : mandarines, carotte et, pour la première fois en parfumerie, de potiron. Like This m'a semblé incroyablement familier, et ce dès que je l'ai senti. Un condensé d'impressions olfactives.



Et enfin, le parfum que j'ai choisi d'adopter et qui risque fort de devenir mon odeur celui que je ne lâcherait pour rien : Dans Tes Bras. Je ne m'y attarderais pas davantage, car, bien que cela fasse déjà deux mois que je ne porte plus que lui, j'ai toujours du mal à mettre les mots qui convienne,t sur ce mélange si particulier d'héliotrope, de muscs, de bois et d'encens traités en sourdine, de champignons frais et de poudre. Tout ce que je sais, c'est qu'il me fait défaillir à chaque fois.



Bientôt s'annonce l'hiver … Une autre sélection parfumée peut-être ?

samedi 20 novembre 2010

End of the Season : parfums pour l'automne



Musique : the Kinks - End of the Season

(Je m'excuse tout d'abord pour mon retard, j'avais initialement prévu du publier cette liste début novembre mais quelques évènement extérieurs m'en ont empêchée. Voici une erreur maintenant réparée)



Alphons Maria Mucha : L'Automne


Cela faisait déjà plus d'un mois que j'ai commencé à rédiger cette liste de parfums pour l'automne, mais je ne me suis décidée à la publier à l'heure actuelle pour deux raisons. Tout d'abord parce que cette fin du mois de septembre et la première partie du mois d'octobre se sont révélés très doux et chauds, un temps tout à fait inapproprié pour parler de frimas et de feuilles mortes. Et ensuite parce que je considère que c'est la fin octobre qui représente le mieux cette saison (ou du moins, c'est la période pendant laquelle la saison automnale se révèle sous son meilleur jour). Pour ma jeune mémoire, ce sont de longs après midis passés à boire du thé, et à manger de la tarte aux pommes en lisant et relisant indéfiniment la romance tourmentée entre Heathcliff et Catherine dans Wuthering Heights (un de mes livres préférés), enroulée sous ma couette .


L'une des principales difficultés à prendre en compte dans l'élaboration d'une telle liste, ce sont les facteurs météorologiques. La plupart des gens voient leurs goûts en matière de parfums (ou de nourriture) évoluer avec le temps qu'il fait, et en l'espèce, je trouve que c'est en automne que ce facteur varie le plus. Il y a certes ces superbes après midi où le soleil joue à cache cache dans les feuilles d'arbres qui commencent à roussir et à tomber sur la pelouse mais également ces très longues journées déprimantes où l'on voit à peine la lueur du soleil et où la pluie, l'humidité semblent s'être infiltrées partout. Et c'est dans ces moment qu'il faut savoir particulièrement bien choisir son parfum (sous peine de spleen mortel).


Donc voici une petite liste, quelques idées de parfums que je trouve particulièrement adaptés à la saison, une saison automnale qui irait jusqu'à en magnifier certains.



Eau Lente, de Diptyque, par exemple, est un parfum que je ne pourrais envisager que porté en automne, et plus précisément pendant la période fin novembre-décembre, période correspondant aux fêtes de Noël. Avec ses accents épicés, cannelle, muscade, et surtout un beau clou de girofle piquant rappelant L'Eau de la même maison, sur une base d'opopanax (qui développe sur ma peau des accents de chocolat blanc), on ne peux que penser aux odeurs de pains d'épices et d'autres petites merveilles gustatives que cette période nous réserve. Pour moi, ce serait plutôt des Zimtsternen (« étoiles à la cannelle », de savoureuses pâtisseries allemandes), une promesse de délices et de réconfort lorsque le beau temps n'est pas au rendez vous, comme c'est hélas trop souvent le cas.


Je pensais ensuite à un classique, l'Heure Bleue, pour les soirées. Je lui substituerait bien Habanita mais Habanita me semble trop évident avec ses notes ambrées, vanillées, tabacées. Trop automnal en somme. L'Heure Bleue possède les notes chaudes, douces et poudrées de Habanita mais lui amène un souffle printanier en substituant les notes masculines de tabac par d'autres, plus légères et florales de l'iris, de l'anis et de la violette. L'Heure Bleue reste dans une optique automnale en parant notre cou comme le ferait une étole de fourrure mais garde quelques accents évoquant des cieux plus cléments, me rappelant qu'après et malgré le froid viendra par la suite le beau temps.


Je sais que cette affirmation fait très cliché, mais l'automne se révèle être la saison idéale pour (re)découvrir cette famille assez mal aimée, et ô combien distinguée que constitue celle des cuirs. Je reprends donc ici l'idée de L'Heure Bleue, mais je la transpose en lui enlevant en partie ses éléments printaniers dont je viens de faire l'éloge pour les substituer à une base de … cuir. Et l'on obtient Cuir Mauresque de Serge Lutens (que j'ai eu la joie de découvrir grâce à sa sortie des Salons du Palais Royal cette année). Cuir Mauresque, ce serait en quelque somme un très belle femme, parfumée d'Heure Bleue qui s'assiérait pour fumer dans un beau fauteuil club en cuir, lequel serait recouvert d'une étole aux motifs persans.


Un autre cuir, pour les messieurs celui-là : Bel Ami, de Hermès. Ici, nous sommes cependant dans un domaine olfactif un peu différent de celui abordé par Cuir Mauresque. Au lieu de cuirés ambrés, nous avons ici un beau cuir épicé, qui joue en plus habilement sur une note de tabac un peu âcre. A vrai dire, Bel Ami se rapproche plus de la famille des chypres que de celles des cuirs (mais la frontière entre les deux se révèle souvent poreuse, en attestent les superbes Bandit et Jolie Madame, tous les deux oeuvres de la grande Germaine Cellier), et se déploie autour d'une note que j'apprécie beaucoup, celle d'oeillet, qui ammorce habilement le fond cuir-tabac. Le côté épicé de l'oeillet se retrouve en plus renforcé par un bel accord d'agrumes et d'aromates. Bel Ami est de loin mon parfum masculin préféré, mais je trouve que c'est porté en cette saison qu'il dévoile le mieux toutes ses subtilités.


Et comme en chaque période, en chaque saison, il est toujours agréable de sentir des roses, voici mon choix : Elisabethan Rose de Penhaligon's. En l'espèce, la rose qui correspondrait le plus à la saison qui est aujourd'hui traitée serait Une Rose, avec son incroyable absolue de rose si dense et ses relents vineux mêlés à ceux, plus terreux, de la truffe. Mais choisir Une Rose en automne, ce serait presque un cliché. C'est la raison pour laquelle je substitue cette rose dense et opulente à celle beaucoup plus verte, minimaliste et timide de Elisabethan Rose, de Penhaligon's. Comme je l'ai déjà affirmé avec L'Heure Bleue, ces notes fleuries s'annoncent comme de vraies promesses de printemps, parfaites pour contraster avec la morosité des journées si courtes de la saison.



Ce sera tout pour aujourd'hui. Je vous laisse en en compagnie d'un Ray Davies croonant sur la fin de l'été et sur sa copine qui le quitte.

Je vous livre le reste de mon top ten demain, et j'attends avec impatience que vous me confiez le nom de vos parfums préférés pour la saison.

lundi 8 novembre 2010

Portrait of a Lady



Contrairement au parfums d'autres maisons, ceux réunis par les Editions de Parfums Frédéric Malle n'ont pas cette cohérence qu'aurait une collection regroupant les oeuvres d'un seul et même artiste ; où l'on sentirait la patte particulière d'un seul et même maître, auteur de toutes les oeuvres réunies sous un même nom - je pense notamment aux parfums Serge Lutens qui, presque sans aucune exception, portent la marque distinctive du tandem Serge Lutens – Christopher Sheldrake ; ou encore aux dernières créations Hermès, oeuvres d'un seul et même homme, Jean Claude Ellena.

La collection présentée par les Editions de Parfums me ferait plutôt penser à des oeuvres appartenant à différentes époques, écoles et auteurs qu'un amateur éclairé aurait réunies. De fait, les Editions de Parfums Frédéric Malle ne semblent pas transcrire l'univers d'un « nez » en particulier, mais témoigner des goûts exquis de l'homme qui a pris le soin de regrouper ces mêmes oeuvres.


Portrait of a Lady est la dernière acquisition de cet esthète, inscrit dans une esthétique délibérément rétro.


Léonard de Vinci, La Belle Ferronnière. Je voyais plus la Lady comme une beauté peinte par le Titien, mais ce tableau se rapproche plus de l'état d'esprit du parfum. Les oeuvres de Titien sont trop sensuelles.


Je reconnais ne pas avoir prêté beaucoup d'attention au parfum la première fois qu'il m'a été donné de le sentir, ceci étant dû à mon excitation. Et j'avoue avoir été déçue, à la première olfaction, par une similarité avec Une Rose dont j'aurais préféré ne pas remarquer l'existence. Je n'avais tout simplement pas compris. J'avais certes saisi sa beauté, mais pas l'essence de cette beauté. Parce que Portrait of a Lady est d'une complexité telle qu'il faut du temps pour pouvoir comprendre un tel chef d'oeuvre.


La beauté de Portrait of a Lady est cérébrale. Sa séduction n'a pas pas l'évidence d'un Shalimar ou même d'un Féminité du Bois, bien que ce parfum partage avec Portrait of a Lady la même intelligence. Pour un parfum comme Shalimar, la séduction opère par la rondeur, la chaleur qui se dégage du parfum. Ici, la Lady est d'une austérité presque monacale. Austère, mais extrêmement complexe.


La première chose qui m'ait frappée, c'est la rose. Une rose thé, mais sans la rondeur et la fraîcheur habituelle qui lui est habituellement dévolue, et qu'on retrouve dans la parfumerie anglaise, par exemple. Jusqu'ici, la seule rose thé (que je connaisse) qui soit traitée sur un registre oriental et chaud a été Opôné, une petite merveille enrobée d'épices et en particulier de coûteux safran. Une rose anglaise qui se serait égarée sur un marché aux épices au moyen orient. La parenté avec Opôné ne me semble pas fortuite : c'est en effet à ce parfum, et avant même avoir songé à Une Rose que m'a fait penser Portrait of a Lady.

Mais ici, la rose n'est pas aussi moelleuse que peut l'être Opôné : les épices sont bien présentes, mais la cannelle et le clou de girofle ne l'habillent pas avec la même chaleur.


Cette rose épicée, s'épanouit sur un lit de fruits, légers – framboise, cassis et pêche, bien que cette dernière ne soit pas mentionnée dans la description officielle - qui viennent apporter de la rondeur à un parfum dans l'ensemble très rêche. Ces fruits ressortent comme s'il avaient été peints sur un fond noir dans une nature morte baroque. Ils ont ronds, luisants, à la fois extrêmement détaillés et très peu réalistes, donnant au début de la composition une légère inflexion ronde et sucrée.


Comme pour Une Rose, le parfum gravite autour d'une note de rose que les autres notes viennent habiller. Mais au cours de l'évolution, la rose se transforme subtilement en un beau patchouli âcre, un patchouli qui devient alors le centre gravitationnel du parfum. Contrairement à d'autres fragrances où rose et patchouli s'affrontent dans une sorte de clair obscur aux contrastes éclatants, ils jouent ici un rôle complémentaire pour mieux se confondre dans les notes de coeur, et subtilement se substituer l'un à l'autre sans jamais totalement disparaître alors que le parfum continue d'évoluer.

Le patchouli ici est âpre et sec, avec une odeur de moisi très caractéristique. L'odeur me fait ici penser à celle d'un vieux livre que l'on vient d'ouvrir, ces volutes odorantes un peu irritantes qui viennent nous piquer le nez avec leurs relents anciens de moisissure. Moisissure noble bien entendue, qui s'accompagne d'une sorte de « lutensinade* » - la comparaison avec Féminité du Bois n'était pas fortuite - enrobant cet accord de patchouli de notes plus douces et orientales. Encens, santal et cèdre (sans les notes de fruits confits chères à M. Lutens) apportent au patchouli une noblesse qu'il n'aurait peut être pas su atteindre seul. Mais malgré cette somptueuse parure olfactive, le patchouli de Portrait of a Lady ne parvient pas à se débarrasser de son austérité, et n'acquiert pas le côté sensuel qui est pourtant souvent attaché à cette odeur. Reste son incroyable intelligence, et c'est dans cela que résume le génie du travail de Dominique Ropion : la création d'un oriental non sensuel, ou du moins, à la sensualité pas si évidente.



Un parfum hybride, entre floral épicé et oriental boisé, une confusion olfactive entre les notes de roses et de patchouli, l'un devenant l'autre sans que l'autre disparaisse complètement … Un grand parfum qui semble jouer les sur les règles de la parfumerie classique pour mieux les transgresser sans pour autant choquer les sens. Un parti pris réussi, donc, pour un parfum cérébral qui demande qu'on prenne le temps de le comprendre afin de mieux en apprécier la subtilité.



*Par « lutensinade », j'entends l'accord très particulier cher aux parfums Serge Lutens que l'on retrouve dans des parfums tels que Féminité du Bois, Five O'Clock au Gingembre, Serge Noire, Fille en Aiguilles pour ne citer qu'eux. Il s'agit d'un accord oriental très particulier qui se compose principalement d'encens, de bois (santal et cèdre le plus souvent, parfois du patchouli) et de fruits confits, assortis d'épices chaudes. La « lutensinade » serait aux créations Serge Lutens ce que la Guerlinade est à la maison Guerlain.