mercredi 27 juillet 2011

Merci Amy.



(Article sorti en pleine précipitation, suite à un évènement de merde)



Amy Winehouse par Terry Richardson


La première fois que j'ai vraiment entendu Amy Winehouse, je l'ai prise pour une artiste de la Motown que je ne connaissais pas encore. J'étais sur une radio diffusant principalement des oldies (Classique 21 anyone ?), étant à l'époque en plein dans ma période rock 70s. Et ils ont diffusé Back to Black. Dans un premier temps, je me suis imaginé une chanteuse noire, avec une choucroute bien ordonnée, un hybride entre Nina Simone et Diana Ross lorsque celle-ci faisait encore partie de The Supremes. A la fin de la chanson, le présentateur a donné le nom de la chanson. Puis celui de l'artiste. Amy Winehouse. Je ne m'attendais pas à ça. Certes, je la connaissais un peu « de vue », l'ayant aperçue au détour d'un magazine de mode. Je l'imaginais en fait davantage comme une simple artiste de R&B bidon mais qui essayait juste de se donner un genre, pour se « démarquer » (un peu comme Lady Gaga qui arrive à duper la moitié de la population – l'autre moitié n'en ayant strictement rien à foutre - en faisant passer sa soupe On-prend-le-pire-de-l'Eurodance-des-années-1990 pour une création de génie à l'aide de tenues moches, tenues qu'elle a d'ailleurs piquées sans vergogne à des gens beaucoup plus talentueux qu'elle). Je ne pensais pas qu'elle avait cette voix, ce magnétisme. Ce talent.


Cette chanson fut comme une lueur d'espoir pour moi. J'étais arrivée à un niveau de désespoir pratiquement absolu en ce qui concernait la musique pop et rock actuelle. Selon moi, on avait atteint un point de non retour. C'était bien avant que je ne creuse davantage les méandres de la création rock indépendante, et que je n'élargisse mon horizon musical à d'autres choses que du bon gros vieux rock.


Bien entendu, ce que je n'entendais n'était pas totalement nouveau. Mais grâce à sa musique, j'ai enfin accepté l'idée que, à l'heure actuelle, le recyclage musical pouvait être aussi une bonne chose.


Techniquement, je reprocherais presque à sa musique (enfin, l'album Back to Black, que je connais bien mieux que son premier) d'être trop léchée, trop suproduite, collant presque trop à l'air du temps. Trop mainstream en somme. J'aurais personnellement davantage aimé qu'elle se distingue en adoptant une imagerie encore plus rétro, puisqu'avec sa voix, et son talent, c'est une chose qu'elle aurait pu se permettre. Elle aurait pu être, encore plus qu'elle ne l'a été, une véritable icône jazz et soul.


C'est pour cela que j'attendais avec impatience son prochain album. J'aurais adoré savoir ce qu'il allait en retourner


Mon rêve aurait été qu'elle sorte un jour un album produit par Phil Spector. Le plus grand producteur de musique pop du XXe siècle. La combinaison entre sa voix et le wall of sound Spectorien aurait été une vraie merveille.

(Mais je ne pense pas que cela aurait été possible, techniquement parlant. Même si Spector n'était pas en prison, je le verrais tout de même mal en train de pousser Amy jusqu'à l'épuisement en la menaçant à l'aide d'un révolver dans une chambre froide tout en sirotant du vin dans un thermos …)


Il est trop tard maintenant. Encore un album de plus qui restera à l'état de fantasme dans mon esprit.






Merci Amy.




mercredi 20 juillet 2011

English Rose




(Attention, cet article s'inscrit dans une ambiance prout-prout très : « Soupirons dans les fleurs et morfondons-nous dans notre tasse de thé tout en nous prenant très au sérieux ... »)


Créer un parfum, c'est un peu essayer de capturer l'air du temps.


Sauf lorsque celui-ci emprunte un parti-pris absolument atemporel. Bien entendu, chaque parfumeur souhaitera créer l'Oeuvre Ultime, la création qui perdurera, se moquant des années qui passent. Mais il n'empêche que les fragrances aussi sublimes que peuvent être Jicky, Habanita, ou encore le N° 19 trahissent l'époque à laquelle elles ont été créées.

Je ne parle pas non d'une volonté quelconque d'apporter un côté délibérément rétro à un parfum. Le bouquet floral de Une Fleur de Cassie (un parfum que j'adore), rendant ostensiblement un hommage d'une rare élégance à la parfumerie des années 1930 en dit beaucoup plus sur les années 2000, date de sa composition, que sur les années 30 elles-mêmes.

Non, il s'agit bien de créer une fragrance dont on ne saurait dire si elle a un siècle ou dix ans, sans aucun lien olfactif avec une époque quelconque dans laquelle elle serait malgré elle enfermée.

Bien peu de compositeurs arrivent à cet exploit.


Mais malheureusement, en France plus qu'ailleurs, nous avons cet espèce de chauvinisme olfactif qui ne nous pousse pas forcément à tendre notre nez plus loin que les marques créées par nos compatriotes (mais il est vrai que la gamme en question est assez large …). On oublie cependant que de l'autre côté de la Manche, l'on sait également faire des parfums, différents de ce que l'on connaît en France, certes, mais qui ont aussi leurs qualités intrinsèques : tradition, belles matières premières, élégance et discrétion. La parfumerie anglaise défie le temps, les années sans prendre sans la moindre ride tout en conservant cet espèce de charme délibérément suranné. Et d'ailleurs, qui, mieux qu'un parfumeur anglais, pourrait recomposer la délicate odeur d'une roseraie au mois de mai, encore baignée de rosée ? Il faut bien l'accorder, Sa Majesté la Rose, ainsi que L'Ombre Dans l'Eau sont d'assez beaux exemples de ce que la parfumerie française peut accomplir en matière de roses discrètes et naturelles. Mais c'est définitivement la timide Elisabethan Rose de Penhaligon's qui a su me séduire.



Et qui aurait pu deviner que ce parfum est sorti la même année que Coco, un an avant Poison ?


Avec Elisabethan Rose, Penhaligon's reprend la tradition anglaise du soliflore qu'elle avait déjà exploré en offrant déjà quelques années auparavant des compositions magistrales : Bluebell (odeur de jacinthe verte et fusante dans les sous bois), Violetta (une sombre violette boisée) ou encore Lily of The Valley (un délicat muguet aux inflexions légèrement cosmétiques).


La rose ici est légère, verte. Elle s'ouvre sur quelques aldéhydes piquants, renforçant les notes de géranium employées pour leur côté frais, donnant l'impression que la fleur vient juste d'être cueillie. Un accord de rose et de violette compose ensuite un coeur beau et simple à la fois, comme si l'on avait repris l'idée générale du Paris de Yves Saint Laurent mais en le débarrassant de ses lourdeurs « grande cocotte » qui m'est non seulement insupportable mais qui « date » horriblement ce parfum. Donc un coeur simple, mais incroyablement proche de l'odeur de la rose de mai telle qu'on peut la sentir dans un jardin (que j'allais qualifier de « à l'anglaise). Je devine également du galbanum employé en petites touches afin de faire ressortir le côté « vert » de la plante. Le fond est luis aussi d'une extrême simplicité : santal, muscs, ambre. Il faut le dire, nous sommes bien loin ici de la délicieuse rose baroque de Une Rose.


Elle m'apparaît cependant d'une précision presque anatomique, comme si l'on avait voulu en capturer l'essence en la dessinant avec la précision d'un botaniste du début du XIXe siècle. Quelques lignes, un trait clair, pas trop chargé. Une esquisse de rose ancienne.



Pierre-Joseph Redouté : Rosa Centifolia



C'est une fragrance qu'on devinerait aisément porté par une Lady peinte par Gainsborough. L'odeur simple d'une rose Cuisse de Nymphe, le matin sous la rosée. L'aura d'une héroïne de Jane Austen.



Thomas Gainsborough : La Promenade Matinale


Bref, l'odeur d'une Angleterre aux accents rétros, celle des Kinks et des cottages, des soeurs Brontë et des parcs paysagers, des tasses de thé et de Saville Row.