Voici mon flacon en question.
Le premier article que j'ai consacré au parfum sur mon blog était dédié au magnifique L'Air du Temps qui est certainement l'un de mes parfums préférés. Je viens de le supprimer à cause de sa piètre qualité et je voudrais m'y consacrer entièrement ici.
J'ai en effet mis la main il y très peu de temps sur un flacon de cette petite merveille dans les affaires de ma mère, et il se trouve que le jus en question est un extrait datant du début des années 1980, donc non reformulé (je suppose, étant donné le fossé qui existe entre la fragrance ici présente et l'infâme parfum reformulé qui est maintenant disponible). Et je pense que, réellement, ce parfum nécessite du moins un article, si ce n'est un livre tout entier, qui lui soit dédié.
En quelque sorte, L'Air du Temps est mon classique à moi. C'est l'un des premier jus que je vais honteusement qualifier d' « ancien » qui m'ait ainsi fait vibrer. Car il faut bien le dire, il s'agit d'une merveille de poésie et de délicatesse, et qui, bien que chargé d'innocence au premier abord, est un merveilleux élixir amoureux (ayant une charge érotique bien plus faible que des grands classiques féminins comme le No 5, Mitsouko ou Shalimar, il faut tout de même l'avouer).
En l'espèce, on a affaire à un jus composé par le nez Francis Fabron pour la maison Nina Ricci en 1947. Année, qui, selon moi, marque le renouveau de la scène artistique française tant du côté de la mode (c'est en effet cette année-là que Christian Dior sort sa première collection et marque l'une des plus grandes révolutions dans le monde du vêtement avec l'apparition de ce que les chroniqueurs de l'époque appelèrent le New Look) que de celui de la parfumerie avec une quantité INCROYABLE de classiques, et pas des moindres : Vent Vert, Femme, Fracas, Miss Dior et j'en passe. Et parmi eux, donc, L'Air du Temps (je triche un peu, certains de ces parfums étant sorti en 1948. Mais je les rattache à la même époque).
Comme je l'ai déjà dit dans l'article consacré à Boudoir de Vivienne Westwood, l'une des difficultés des grandes maisons de couture consiste à réussir à lancer un parfum -surtout un premier- qui puisse se trouver en parfaite adéquation avec ses créations et l'image qu'elle renvoie au public (et si le jus arrive à être un succès commerciale, c'est bien aussi, même si ça n'a pas toujours été le cas – je pense notamment au Kingdom de Alexander McQueen qui a malheureusement été arrêté et que j'aurais adoré sentir au moins une fois). En l'occurrence, un premier parfum avait déjà été sorti par la maison Nina Ricci en 1946. Il s'agissait de Coeur Joie, un floral musqué. Mais l'Air du Temps marque une étape supplémentaire, plus en adéquation encore, avec les codes de la maison : romantisme certain dans les collections, travail autour de matières vaporeuses -tulle, dentelle- dans des couleurs douces, drapés et volumes romantiques … Et L'Air du Temps est donc un condensé de tout cela.
Le parfum d'origine commence sur une envolée d'aldéhydes (les colombes du flacon !) ainsi que de bergamote, très légères, vite rattrapée par des notes plus puissantes d'oeillet qui « orientalisent » un peu la fragrance. Je pense que des notes de clous de girofle on été également ajoutées pour donner plus de puissance à la création. Puis vient ce bouquet floral absolument divin, de roses, jasmin, gardénia, ylang ylang et voir même de lys et de violette (que je devine). L'Air du Temps est selon moi le meilleur exemple de ce qu'est cet accord bouquet floral justement (ce serait d'ailleurs plus un bouquet de mariée qu'un simple bouquet décoratif posé sur une commode dans un coin). Et les notes de fond sont musquées et moelleuses : de la vanille en très faible dose, de l'iris, un peu de santal et surtout une débauche de muscs qui fait dire que ce parfum n'est pas si innocent que ce que son flacon (Lalique) laisse présager. C'est beau, doux, et féminin. Un grand parfum floral.
Mais un grand floral qui, malheureusement appartient aussi au passé puisque, malgré son succès, il a été victime d'un reformulation plus que honteuse qui l'a TOTALEMENT dénaturé. Je ne sais d'ailleurs pas si celle-ci provient d'ingrédients maintenant interdits ou de la volonté de lifter le parfum afin de le rendre plus « moderne », « accessible ». Quoiqu'il en soit, le lifting a été fait et c'est une belle catastrophe. Un peu comme si on avait proposé une opération de chirurgie esthétique à une vieille femme encore très belle et que celle-ci se serait retrouvée avec un de ces visages inexpressifs et sans âme que l'on croise chez les personnes accro à la chirurgie.
Donc, qu'est-ce qui ne va pas avec la reformulation ?
Et bien,on a toujours cette envolée d'aldéhydes, mais un peu plus plate que l'originale. Ensuite, je trouve que les notes épicées d'oeillet sont beaucoup moins puissantes et moins denses que l'original. Mais le gros du massacre a été commis dans les notes de coeur et de fond. Cet accord bouquet floral semble avoir été remplacé par un simple accord de fleurs blanches : on sent beaucoup moins la rose et ces notes de violette et de lys. Restent le jasmin (un peu trop épuré) et le gardénia. Un peu triste, je trouve. Quant au fond, il semble être noyé dans une note de muscs lessiviels un peu trop synthétiques à mon goût, en omettant les autres notes de santal, vanille et iris qui manquent de relief et de présence. J'ai l'impression que le parfum a été balancé dans une énorme marmite de flotte et qu'il en est ressorti en ayant à peu près autant de saveur qu'un morceau de mauvaise viande bouillie (sans rien !). Sans compter sa tenue très mauvaise, du moins pour l'eau de toilette. Une grosse, grosse déception.
Et puis, il faut bien dire que, de nos jours, on a vraiment l'impression que les parfums Nina Ricci atteignent les tréfonds de l'enfer : Nina, Ricci Ricci … Quel gâchis pour une maison qui avait autrefois tant de panache. Maintenant, on dirait juste le fournisseur officiel des jeunes filles en manque de glucose (et si seulement les parfums Nina Ricci pouvaient être les seuls responsables de ces fragrances diabétogènes !).
Donc si vous avez la chance de mettre la main sur une édition vintage de ce parfum, c'est une occasion à ne pas manquer.
Le premier article que j'ai consacré au parfum sur mon blog était dédié au magnifique L'Air du Temps qui est certainement l'un de mes parfums préférés. Je viens de le supprimer à cause de sa piètre qualité et je voudrais m'y consacrer entièrement ici.
J'ai en effet mis la main il y très peu de temps sur un flacon de cette petite merveille dans les affaires de ma mère, et il se trouve que le jus en question est un extrait datant du début des années 1980, donc non reformulé (je suppose, étant donné le fossé qui existe entre la fragrance ici présente et l'infâme parfum reformulé qui est maintenant disponible). Et je pense que, réellement, ce parfum nécessite du moins un article, si ce n'est un livre tout entier, qui lui soit dédié.
En quelque sorte, L'Air du Temps est mon classique à moi. C'est l'un des premier jus que je vais honteusement qualifier d' « ancien » qui m'ait ainsi fait vibrer. Car il faut bien le dire, il s'agit d'une merveille de poésie et de délicatesse, et qui, bien que chargé d'innocence au premier abord, est un merveilleux élixir amoureux (ayant une charge érotique bien plus faible que des grands classiques féminins comme le No 5, Mitsouko ou Shalimar, il faut tout de même l'avouer).
En l'espèce, on a affaire à un jus composé par le nez Francis Fabron pour la maison Nina Ricci en 1947. Année, qui, selon moi, marque le renouveau de la scène artistique française tant du côté de la mode (c'est en effet cette année-là que Christian Dior sort sa première collection et marque l'une des plus grandes révolutions dans le monde du vêtement avec l'apparition de ce que les chroniqueurs de l'époque appelèrent le New Look) que de celui de la parfumerie avec une quantité INCROYABLE de classiques, et pas des moindres : Vent Vert, Femme, Fracas, Miss Dior et j'en passe. Et parmi eux, donc, L'Air du Temps (je triche un peu, certains de ces parfums étant sorti en 1948. Mais je les rattache à la même époque).
Comme je l'ai déjà dit dans l'article consacré à Boudoir de Vivienne Westwood, l'une des difficultés des grandes maisons de couture consiste à réussir à lancer un parfum -surtout un premier- qui puisse se trouver en parfaite adéquation avec ses créations et l'image qu'elle renvoie au public (et si le jus arrive à être un succès commerciale, c'est bien aussi, même si ça n'a pas toujours été le cas – je pense notamment au Kingdom de Alexander McQueen qui a malheureusement été arrêté et que j'aurais adoré sentir au moins une fois). En l'occurrence, un premier parfum avait déjà été sorti par la maison Nina Ricci en 1946. Il s'agissait de Coeur Joie, un floral musqué. Mais l'Air du Temps marque une étape supplémentaire, plus en adéquation encore, avec les codes de la maison : romantisme certain dans les collections, travail autour de matières vaporeuses -tulle, dentelle- dans des couleurs douces, drapés et volumes romantiques … Et L'Air du Temps est donc un condensé de tout cela.
Le parfum d'origine commence sur une envolée d'aldéhydes (les colombes du flacon !) ainsi que de bergamote, très légères, vite rattrapée par des notes plus puissantes d'oeillet qui « orientalisent » un peu la fragrance. Je pense que des notes de clous de girofle on été également ajoutées pour donner plus de puissance à la création. Puis vient ce bouquet floral absolument divin, de roses, jasmin, gardénia, ylang ylang et voir même de lys et de violette (que je devine). L'Air du Temps est selon moi le meilleur exemple de ce qu'est cet accord bouquet floral justement (ce serait d'ailleurs plus un bouquet de mariée qu'un simple bouquet décoratif posé sur une commode dans un coin). Et les notes de fond sont musquées et moelleuses : de la vanille en très faible dose, de l'iris, un peu de santal et surtout une débauche de muscs qui fait dire que ce parfum n'est pas si innocent que ce que son flacon (Lalique) laisse présager. C'est beau, doux, et féminin. Un grand parfum floral.
Mais un grand floral qui, malheureusement appartient aussi au passé puisque, malgré son succès, il a été victime d'un reformulation plus que honteuse qui l'a TOTALEMENT dénaturé. Je ne sais d'ailleurs pas si celle-ci provient d'ingrédients maintenant interdits ou de la volonté de lifter le parfum afin de le rendre plus « moderne », « accessible ». Quoiqu'il en soit, le lifting a été fait et c'est une belle catastrophe. Un peu comme si on avait proposé une opération de chirurgie esthétique à une vieille femme encore très belle et que celle-ci se serait retrouvée avec un de ces visages inexpressifs et sans âme que l'on croise chez les personnes accro à la chirurgie.
Donc, qu'est-ce qui ne va pas avec la reformulation ?
Et bien,on a toujours cette envolée d'aldéhydes, mais un peu plus plate que l'originale. Ensuite, je trouve que les notes épicées d'oeillet sont beaucoup moins puissantes et moins denses que l'original. Mais le gros du massacre a été commis dans les notes de coeur et de fond. Cet accord bouquet floral semble avoir été remplacé par un simple accord de fleurs blanches : on sent beaucoup moins la rose et ces notes de violette et de lys. Restent le jasmin (un peu trop épuré) et le gardénia. Un peu triste, je trouve. Quant au fond, il semble être noyé dans une note de muscs lessiviels un peu trop synthétiques à mon goût, en omettant les autres notes de santal, vanille et iris qui manquent de relief et de présence. J'ai l'impression que le parfum a été balancé dans une énorme marmite de flotte et qu'il en est ressorti en ayant à peu près autant de saveur qu'un morceau de mauvaise viande bouillie (sans rien !). Sans compter sa tenue très mauvaise, du moins pour l'eau de toilette. Une grosse, grosse déception.
Et puis, il faut bien dire que, de nos jours, on a vraiment l'impression que les parfums Nina Ricci atteignent les tréfonds de l'enfer : Nina, Ricci Ricci … Quel gâchis pour une maison qui avait autrefois tant de panache. Maintenant, on dirait juste le fournisseur officiel des jeunes filles en manque de glucose (et si seulement les parfums Nina Ricci pouvaient être les seuls responsables de ces fragrances diabétogènes !).
Donc si vous avez la chance de mettre la main sur une édition vintage de ce parfum, c'est une occasion à ne pas manquer.
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